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Stupeurs et Tremblements

Tours, Mercredi 9 novembre, 7h30 du matin. A peine levée et comme il n’est pas de coutume, j’allume la télé. Les américains ont voté hier. Quels sont les résultats des élections ?

Tartines à la main, le bol de thé fumant devant nous et les yeux rivés sur l’écran de l’immense télévision de l’appartement dans lequel je viens d’emménager, c’est avec stupeur (et tremblements…) que  j’apprends la nouvelle ! Non ce n’est pas possible : Donald Trump est élu Président des United States of America ! Je n’arrive pas à y croire ! Comment les américains ont-ils pu arriver à laisser faire cela ?

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Mais en réfléchissant bien, les américains n’y sont finalement pas pour grand-chose. Il se trouve en effet que le nombre de votes directs (1 personne=1 voix) a été plus important pour Hilary (les américains aiment bien appeler les politiques par leur prénom). Ce sont les grands électeurs qui se sont décidés en majorité pour Trump, trahissant par là même la voix du peuple ! Ils n’en sont pas à leur premier coup puisqu’en 2000 la même partie s’était jouée entre Georges. W. Bush et Al Gore. Bush…Un texan, un cow-boy au QI à peu près aussi élevé que celui de ses vaches (c’est en tout cas que j’aime à le définir) et dont la seule qualité était de porter le nom de son « illustre » famille et Al Gore, Vice-président des Etats-Unis pendant huit ans aux côtés de Bill Clinton, Démocrate et prix Nobel de la Paix en 2007 pour son engagement sur le réchauffement climatique. On connait la suite… Les américains ont un système de vote pourri qui n’est plus capable de faire entendre la voix du peuple. Pour la plus grande Démocratie du monde…c’est un comble !

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Oui mais voilà…le système…il est bien là le problème ! Car au-delà des dysfonctionnements d’un système moribond, ce qui ressort de cette élection « this un-Presidented election[1] » comme me l’a dit un de mes amis américains, c’est le vote anti-système, anti-ESTABLISHMENT

…Tout au long des mois passés là-bas, j’ai pu prendre la mesure de ce phénomène. Les américains, au moins autant que les européens, sont exaspérés par le système. Ils ne le supportent plus, ils n’en veulent plus, ils n’y croient plus…

Que l’on ne s’y trompe pas (et personne n’est assez naïf pour le faire), le vote pour Trump n’a pas été, dans son immense majorité, un vote « pro » mais bien un vote « anti ». A l’instar de leurs homologues européens, les électeurs américains sont en grande majorité allés voter à reculons.

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Mais ce vote anti-système aurait pu avoir une fin bien plus heureuse que celle qui vient d’avoir lieu ! Car il y avait un autre candidat anti-système, un révolutionnaire au sens littéral du terme, une rareté, un spécimen inconnu dans le paysage politique américain, un OVNI : Bernie Sanders. Les européens n’en n’ont certainement pas assez parlé pour en prendre toute la mesure, mais aux Etats-Unis c’était un phénomène ! Tout le monde en parlait ! Un socialiste à l’européenne, pure souche, qui voulait mettre en place un véritable système de santé au niveau national (c’est-à-dire renforcer et étendre l’Obama Care), protéger les plus démunis, mettre les études universitaires à la portée de toutes les bourses, interdire le port d’armes et j’en passe…

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A Asheville ce printemps, on voyait fleurir dans les jardins ou à l’arrière des voitures, des panneaux, drapeaux et autres photos de Bernie. Une effervescence palpable s’était emparée d’une bonne partie des Ashevillois et toutes sortes de manifestations étaient organisées « pro-Bernie ». Dans cette « île » alternative (comme se plaisent à l’appeler ses habitants) au milieu de l’océan conservateur que représente la Caroline du Nord rien de bien étonnant… « Pro », autrement dit « Pour » et non « Contre » ou « Anti ». Ainsi, Bernie proposait une « altérité », un « autre »… monde tel que les Etats-Unis l’ont rarement connu (tout en respectant le travail d’Obama). La posture « pro » des électeurs de Bernie était en soi « révolutionnaire » face à un paysage de défiance et de pessimisme généralisés. Cet homme là a réussi à entraîner l’adhésion de beaucoup d’américains : les classes moyennes ou plus aisées, les migrants, les progressistes et tous ceux qui ne voulaient plus d’un système usé jusqu’à la corde.

 

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Marche pour Bernie à Asheville

Mais ceux-là même qui étaient « pro-Bernie » étaient farouchement « anti-Hilary ». Un politique, une politicienne à l’aise comme un poisson dans l’eau dans les hautes sphères du pouvoir, au beau milieu de l’Establishment justement. Rien ou si peu, qui ne permettait de la différencier des autres pour beaucoup d’américains…

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J’ai fait une petite interview sur ce thème, d’une de mes élèves de français de 13 ans et voici ce qu’elle disait : « J’aime Bernie parce qu’il n’aime pas les grandes compagnies, il n’est acheté par personne. Ce n’est pas comme Hilary. Elle, elle a été première Dame et elle connaît très bien le monde des affaires et celui de la politique. Elle est là pour servir leurs intérêts. Bernie lui, est plus occupé à se mettre au service du peuple plutôt qu’à se faire un nom en politique. Je pense qu’il va réellement se battre pour l’égalité des droits.

Mais mon cousin lui, il a mon âge et il est pour Donald Trump. Alors je lui ai demandé pourquoi. Il m’a dit que c’était parce que sa sœur, qui a 18 ans, était pour Trump. Elle lui a expliqué que si Bernie passait, il allait lui enlever sa VOITURE et son ARGENT, alors que Donald Trump lui il est très ouvert d’esprit et il ne veut pas prendre l’argent des gens. Et puis ce n’est pas vraiment un politicien et c’est pour cela que les gens l’aiment bien ».

Les Démocrates, enfermés dans leur tour d’ivoire, Hilary compris, frileux devant le changement, n’ont pas su prendre la mesure de ce désamour, de ce rejet pour l’Establishment et…ils ont perdu ! Puisque les américains allaient voter « anti-système », il fallait laisser Bernie poursuivre la course…Je mettrais ma main au feu qu’il aurait gagné ! Trump n’aurait pas pu le dépasser car Bernie était porté par un élan du peuple certainement plus important que ne l’a été son adversaire !

Enfin bon, on ne refait pas l’histoire…Mais j’ai une pensée émue pour tous mes amis américains, ceux qui ont habité notre vie, l’ont embellie, l’ont rendue meilleure et je me dis que ceux-là, comme des millions d’autres ne méritent pas ce qui leur arrive !

Et maintenant c’est à nous! Alors  « stupeurs et tremblements » dans six mois?

L’Histoire continue…

[1] Cette « Non-élection Présidentielle »